Railcoop – coopération d’innovation ferroviaire

Publié le 12 octobre 2020

Augmenter l’offre ferroviaire sans concurrencer directement la SNCF : tel est le pari de Railcoop, une coopérative qui veut rouvrir des lignes de train abandonnées par la compagnie historique.

Faire rouler à nouveau des trains sur des lignes délaissées par la SNCF. Voilà la raison d’être de Railcoop, une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) qui entend profiter de l’ouverture à la concurrence pour se lancer dans l’aventure. L’idée a germé dans le crâne de Nicolas Debaisieux au tout début de l’année 2019. Cet ingénieur Mines-Télécom crée alors une association pour réunir des gens de divers horizons, ayant pour point commun d’être, comme lui, passionnés de train. S’y côtoient notamment d’anciens cheminots, des personnes engagées sur les questions environnementales (rappelons que le train est nettement moins polluant que la voiture et que l’avion) et/ou évoluant dans l’économie sociale et solidaire.
En novembre de la même année est officiellement fondée Railcoop, société coopérative. « Ce statut correspond à la façon dont nous souhaitons fonctionner, en co-construisant avec les usagers, les salariés, les collectivités…, explique Anne-Sophie Lahaye, en charge de la communication. Ça permettait aussi de lever des fonds rapidement grâce au sociétariat. » Lorsque nous les avons contactés le 10 septembre, Railcoop réunissait 1966 sociétaires, chacun ayant souscrit au moins une part à 100 euros. L’objectif reste d’en rassembler plus de 3000 avant la fin de l’année, afin d’atteindre la somme de 1,5 million d’euros, indispensable pour obtenir une licence ferroviaire. À noter : si les statuts d’une Scic obligent à réinvestir au minimum 57,7 % des bénéfices dans l’objet de la société, les animateurs de Railcoop assurent pour leur part qu’ils souhaitent les réinvestir en totalité.

Lyon-Bordeaux en 2022

La volonté d’instaurer une gouvernance démocratique est l’un des points mis en avant par Railcoop, qui affirme aussi vouloir agir pour la préservation de l’environnement, assurer des « conditions de travail dignes » – la convention cadre des cheminots en cours de négociation sur le plan national y sera appliquée – et œuvrer au désenclavement des territoires. Leur « porte-étendard » : relancer dès 2022 le Lyon-Bordeaux, stoppé par la SNCF depuis 2014. Un abandon représentatif des dérives de la politique menée au sein de l’entreprise historique depuis une soixantaine d’années. Et dont les effets sont de plus en plus visibles, comme le remarque le sociologue Marnix Dressen-Vagne, également secrétaire de Ferinter – un réseau de chercheurs et d’acteurs qui étudie de façon transdisciplinaire le transport ferroviaire.

« Dès les années 1960-1970, la SNCF a pris comme figure emblématique le TGV, ne parlait que de ça, c’était le « rayonnement international de la France », etc. Peu de temps après le lancement du TGV en 1981, les lignes secondaires ont commencé à être négligées ».

Ainsi, le voyageur qui souhaite aujourd’hui se rendre à Bordeaux depuis Lyon doit prendre un premier TGV jusqu’à la capitale, où il devra passer de la gare de Lyon à la gare Montparnasse pour monter dans un second TGV jusqu’à sa destination finale. Le train de Railcoop devrait desservir une dizaine de gares (Roanne, Montluçon, Limoges…) entre les deux métropoles et sera légèrement plus long : comptez 6 h 47. La coopérative ferroviaire espère néanmoins attirer les voyageurs en mettant en avant le confort amené par l’absence de correspondance, ainsi que celui du train lui-même (restauration de qualité, emplacements pour les bagages encombrants, espace enfants…). Autre avantage, Railcoop entend aligner ses tarifs sur ceux du covoiturage, soit moins de 40 euros.
Alors, la gentille coopérative s’apprête-t-elle à tailler des croupières au service public (ou ce qu’il en reste) de la SNCF ? « Ce n’est clairement pas notre volonté, et c’est pourquoi nous ne nous positionnons que sur des lignes abandonnées par la SNCF, dont nous voulons être complémentaires, assure Anne-Sophie Lahaye. L’ouverture à la concurrence, elle aura lieu. À partir de là, est-ce qu’on laisse la place à des entreprises privées qui n’auront aucun scrupule pour aller concurrencer la SNCF ? Ou est-ce qu’on profite de l’ouverture à la concurrence pour être un acteur qui va recréer du ferroviaire là où il n’y en a plus ? »

Un bien commun des liaisons ferroviaires

Marnix Dressen-Vagne n’est pas loin de partager cet avis.

« Répéter « service public, service public, service public », on peut le faire, et d’ailleurs je le fais depuis des décennies. Mais visiblement, on a du mal à se faire entendre. Peut-être qu’à un moment donné, il faut se dire que la forme de service public telle qu’elle a existé, et telle qu’elle se délite, est une forme historiquement dépassée. La valeur émergente, aujourd’hui, est plutôt celle de bien commun. Il y a un bien commun des liaisons ferroviaires qui doit être défendu, que ce soit via le service public ou via d’autres statuts juridiques. Avec l’idée que le profit, la rentabilité et les tableaux Excel ne sont pas l’alpha et l’omega de l’humanité, et qu’il est nécessaire de défendre des valeurs comme celle de la liberté de circuler pour tous de manière confortable à des prix raisonnables. »

Source : L'âge de Faire

 

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